Les écoliers
Sur la route couleur de sable
En capuchon noir et pointu,
Le « moyen » le « bon » le « passable »
Vont, à galoches que veux-tu
Vers leur école intarissable.
Ils ont dans leur plumier des gommes
Et des hannetons du matin,
Dans leurs poches, du pain, des pommes,
Des billes, ô précieux butin
Gagné sur d’autres petits hommes.
Ils ont la ruse et la paresse
– Mais 1’innocence et la fraîcheur –
Près d’eux les filles ont des tresses
Et des yeux bleus couleur de fleur
Et de vraies fleurs pour la maîtresse.
Puis, les voilà tous à s’asseoir
Dans l’école crépie de lune,
On les enferme jusqu’au soir
Jusqu’à ce qu’il leur pousse plume
Pour s’envoler. Après, bonsoir !
Maurice Fombeure
Les trois noisettes
Trois noisettes dans le bois
Tout au bout d’une brindille
Dansaient la capucine vivement au vent
En virant ainsi que filles
De roi
Un escargot vint à passer :
» Mon beau monsieur, emmenez-moi
Dans votre carrosse,
Je serai votre fiancée »
Disaient-elles toutes trois.
Mais le vieux sire sourd et fatigué,
Le sire aux quatre cornes sous les feuilles
Ne s’est point arrêté,
Et, c’est l’ogre de la forêt, je crois
C’est le jeune ogre rouge, gourmand et fûté,
Monseigneur l’écureuil,
Qui les a croquées.
Tristan Klingsor
Un enfant a dit
Un enfant a dit
Je sais des poèmes
Un enfant a dit
Ch’sais des poasies
Un enfant a dit
Mon cœur est plein d’elles
Un enfant a dit
Par cœur, ça suffit
Un enfant a dit
Ils en savent des choses
Un enfant a dit
Et tout par écrit
Si l’poète pouvait
S’enfuir à tir-d’aile *
Les enfants voudraient
Partir avec lui
Raymond Queneau
L’automne
On voit tout le temps, en automne,
Quelque chose qui vous étonne,
C’est une branche tout à coup,
Qui s’effeuille dans votre cou.
C’est un petit arbre tout rouge,
Un, d’une autre couleur encor,
Et puis partout, ces feuilles d’or
Qui tombent sans que rien ne bouge.
Nous aimons bien cette saison,
Mais la nuit si tôt va descendre !
Retournons vite à la maison
Rôtir nos marrons dans la cendre.
Lucie Delarue -Mardrus
J’écris
J’écris des mots bizarres
J’écris des longues histoires
J’écris juste pour rire
Des choses qui ne veulent rien dire.
Écrire c’est jouer
J’écris le soleil
J’écris les étoiles
J’invente des merveilles
Et des bateaux à voiles.
Écrire c’est rêver
J’écris pour toi
J’écris pour moi
J’écris pour ceux qui liront
Et pour ceux qui ne liront pas.
Écrire c’est aimer
J’écris pour ceux d’ici
Ou pour ceux qui sont loin
Pour les gens d’aujourd’hui
Et pour ceux de demain.
Écrire c’est vivre.
Geneviève Rousseau
Les pommes de lune
Entre Mars et Jupiter
Flottait une banderole
Messieurs Mesdames
Faites des affaires
Grande vente réclame
De pommes de terre
Un cosmonaute qui passait par là
Fut tellement surpris qu’il s’arrêta
Et voulut mettre pied à terre
Mais pas de terre en ce coin‑là
Et de pommes de terre
Pas l’ombre d’une
C’est une blague sans doute
Dit‑il en reprenant sa route
Et à midi il se fit
Un plat de pommes de lune.
Jean Rousselot
Le brouillard
Le brouillard a tout mis
Dans son sac de coton ;
Le brouillard a tout pris
Autour de ma maison
Plus de fleurs au jardin,
Plus d’arbres dans l’allée ;
La serre des voisins
Semble s’être envolée.
Et je ne sais vraiment
Où peut s’être posé
Le moineau que j’entends
Si tristement crier.
Maurice Carême
ART